Emmanuelle Soupart
"Un jeune peut être réceptif à toutes les musiques, absolument toutes"
En 2020, les Jeunesses Musicales ont célébré leurs 80 ans, même si la fête a été occultée par la pandémie et les interdictions de concerts... Les Jeunesses Musicales, en Communauté française de Belgique comme dans d'autres pays du réseau international,
c'est une histoire et une identité très fortes. Ce sont aussi plusieurs générations d'enfants, élèves, collégiens et lycéens qui, grâce aux Jeunesses Musicales ont eu accès à la musique, classique d'abord, toutes les musiques ensuite! Alors que progressivement les cours d'éducation musicale ont été sacrifiés sur l'autel des restrictions budgétaires – comme les cours d'arts plastiques, d'histoire, de géographie...– les ″JM″, c'est ainsi qu'on les appelle, avec une constance légendaire, ont systématiquement, chaque année depuis leur création, présenté leurs concerts aux jeunes publics. Des moments de rencontres d'exception dont beaucoup, aujourd'hui moins jeunes, mais également tous les artistes qui ont contribué au projet, se souviennent, souvent avec émotion. Ils ont grandi avec les JM. Ils ont découvert avec elles un monde de musiques.
Rencontre avec Emmanuelle Soupart, directrice artistique et responsable de la programmation.
Colophon - On a l'impression que les « JM » ont toujours existé ! Que l'institution est immuable, qu'elle sera toujours là pour donner le meilleur de la musique à nos enfants, et aux enfants de nos enfants,... Pourtant, tout au long de sa longue et belle histoire, les JM ont bien dû évoluer et s'adapter aux bouleversements de la société ?
Emmanuelle Soupart - Les Jeunesses Musicales sont nées le 17 octobre 1940 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Marcel Cuvelier1 était alors directeur de la Société philharmonique de Bruxelles. Il voulait soustraire les jeunes au risque d'endoctrinement et d'enrôlement par l'occupant en mettant en place des activités pour eux. Le premier concert qu'il organisa au Palais des Beaux-Arts, dans la grande salle Henry Le boeuf2 était très symbolique: au programme, uniquement des compositeurs belges interprétés par l'Orchestre national, lui-même dirigé par un chef d'orchestre belge... Avec l'appui de Robert Catteau3, alors échevin de l'Instruction publique de la Ville de Bruxelles, qui avait envoyé à toutes les écoles secondaires de la Ville un courrier, il y a eu plus de 1300 élèves – adolescents – qui ont répondu à l'appel et ont assisté à ce concert, un jeudi après-midi. Par la suite, à partir de mai 42, à la fin de ces concerts qui se faisaient dans la clandestinité, la Brabançonne4 était entonnée par l'orchestre et le public se levait et chantait l'hymne national. N'oubliez pas que nous sommes en pleine guerre et que le Palais des Beaux-Arts était réquisitionné par l'armée allemande qui y disposait de locaux... Une sorte de cordon sanitaire, organisé par le personnel du palais maintenait à distance l'occupant afin qu'il n'entende pas cet élan pratriotique. C'était un acte politique et de résistance très fort qui présentait un risque certain. C'est devenu une tradition ensuite. D'autres concerts ont été organisés jusqu'à la fin de la guerre. Ils ont eu énormément de succès, les salles étaient pleines à chaque fois.
Les Jeunesses Musicales sont nées de cela.
Après la guerre, un peu partout dans les écoles secondaires, des adolescents, les «délégués JM», informaient leurs camarades de la possibilité d'assister à des concerts de musique classique. De très grands interprètes, comme David Oïstrakh, Arthur Grumiaux, Malcolm Frager, des ensembles comme le Deller Consort, le Ballet du XXe Siècle... ont donné des représentations pour les jeunes dans les plus belles salles du pays. Ces concerts ont connu un énorme engouement. A partir des années 50, on a commencé à intégrer à la programmation classique des concerts de jazz.
Mais le principe restait le même: c'est le jeune qui sortait de l'école pour se rendre au concert. Dans les années 60, et puis 70, les JM ont commencé à s'ouvrir à d'autres musiques, notamment aux musiques du monde. Aussi parce que les JM se développaient et qu'elles commençaient à s'essaimer dans le monde entier. On a eu jusqu'à une soixantaine de pays membres aux JM Internationales. Ces contacts avec tous ces pays ont favorisé les échanges d'artistes. Très progressivement, ceux-ci ont commencé à se rendre dans les écoles pour y donner des concerts. Le principe était alors: toutes les musiques pour tous les jeunes.
Colophon - Ce principe semble encore d'actualité. Mais cela implique obligatoirement des choix. En tant que directrice artistique et responsable de la programmation, quels sont vos critères pour élaborer la programmation ?
Emmanuelle Soupart - Les Jeunesses Musicales embrassent toutes les esthétiques: de la musique ancienne au classique, du contemporain aux musiques du monde, du jazz à la chanson, du pop-rock aux musiques actuelles, hip-hop-életro... Tous ces styles musicaux sont représentés au sein de notre brochure annuelle, forte d’une cinquantaine de projets, que l'on propose aux enseignants, aux directions d’écoles, aux centres culturels... La programmation s'adresse aux enfants de 3 à 12 ans et aux adolescents jusqu'à 18 ans. Pour le jeune public, il y a des spectacles plus spécifiques. Les musiciens que nous présentons ont généralement un projet qu'ils adaptent aux contingences scolaires. Sur une période de 50 minutes, ce qui correspond à une heure de cours, ils devront transmettre aux jeunes leur projet musical. C'est la partie concert. Mais un concert «vivant» c'est aussi une rencontre entre les jeunes et les artistes qui communiquent sur leurs choix, sur leurs parcours d'artistes... Ce ne doit pas être juste un one shot. Les artistes sont investis d'une mission qui va au-delà du concert. Ils doivent parvenir à susciter le questionnement, ouvrir à la curiosité.
Colophon - Les JM ne sont-elles pas les ambulanciers d'une certaine dégradation de l'enseignement de la musique ? Le fait est que les cours de musique ont quasi disparu de l'école... L'éducation musicale ne devrait-elle pas être réintégrée au cursus scolaire au titre de culture générale?
Emmanuelle Soupart - Petit à petit les cours d'art ont été sacrifiés. C'est un fait.
Les Jeunesses Musicales pallient partiellement cette absence de cours de musique en proposant aux écoles deux grands volets d'activités : d'une part les concerts pour les 3 à 18 ans - à peu près 1200 à 1500 concerts par an selon les années - et, d'autre part, des ateliers d'éveil et de sensibilisation musicale qui fonctionnent par module. Une centaine d'intervenants musicaux et animateurs organisent ainsi ces ateliers dans les écoles maternelles et primaires ce qui représente près de 35.000 heures d'activités par an.
Il y a effectivement aujourd'hui une prise de conscience de la nécessité de réintroduire l'art à l'école. Le PECA - Parcours d’Éducation Culturelle et Artistique - implémenté depuis cette année et placé sous la houlette des deux ministres actuelles de la Culture et de l’Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a pour ambition de se centrer sur l'élève pour lui permettre de vivre un parcours tissé d'expériences culturelles et artistiques tout au long de sa scolarité. Les Jeunesses Musicales, comme d'autres opérateurs culturels, sont associées à cette initiative. Le projet débute en ce moment dans les écoles maternelles et remontera chaque année jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire.
Colophon - « Faire et défaire » ... Heureusement les JM ont une longue expérience du terrain et une organisation parfaitement rodée. C'est un atout...
Emmanuelle Soupart - Les JM rayonnent essentiellement en Wallonie et à Bruxelles, au sein de 8 centres régionaux qui se répartissent tout ce territoire. Nous avons des chargés de diffusion qui vont démarcher sur le terrain, essentiellement les écoles et les centres culturels pour proposer des concerts, se basant sur la programmation annuelle... Il faut savoir que nous ne bénéficions pas de subventions pour l'organisation des concerts. Ce sont les écoles, c'est-à-dire généralement les parents des élèves, qui financent les concerts à raison de 2,5 € à 4 € par enfant, avec un maximum de 150 participants par concert dans une école. Les artistes proviennent majoritairement de la Fédération Wallonie-Bruxelles puisque la structure des Jeunesses Musicales est subventionnée par la Culture. Mais nous n'excluons évidemment pas de nos programmations les artistes néerlandophones ! Pour les projets en provenance de Belgique, nous avons établi un barème en fonction du nombre de musiciens. Les cachets des artistes sont relativement modestes, c'est pourquoi nous leur proposons 2 à 4 concerts par jour.
De plus, chaque projet fait l'objet d'un dossier pédagogique qui est censé préparer les jeunes au concert, mais c'est malheureusement plutôt rare! Ces dossiers sont réalisés par un responsable pédagogique en concertation avec les artistes. Ils seront transmis aux enseignants et peuvent être téléchargés sur notre site où des extraits vidéo sont également en ligne. Pour les JM, ces dossiers constituent également un outil de promotion.
Pour les jeunes, c'est plus complexe. On ne peut miser que sur le moment du concert. Est-ce qu'il aura la pulsion par la suite de vouloir lire et de s'informer, d'aller voir, écouter de la musique sur internet, voir en live? C'est beaucoup plus difficile à déterminer. Pour les musiques plus actuelles les jeunes communiquent beaucoup avec les artistes via les réseaux sociaux. Mais auront-ils la curiosité d'aller au-delà ? Je l'ignore. Quoi qu'il en soit, les jeunes sont toujours enthousiastes et réceptifs, c'est un fait.
Colophon - Dès lors que les concerts sont payants, n'y-a-t-il pas un risque de discrimination entre les écoles dont les élèves sont issus de milieux plus aisés - et culturellement mieux préparés – et les écoles fréquentées par des enfants de milieux plus défavorisés ?
Emmanuelle Soupart - En aucun cas il y a discrimination. Il existe de nombreuses aides, au niveau communal, régional ou communautaire pour les écoles à population précarisée. Ce qui est très important est ce que les artistes vont raconter, la médiation culturelle qu'ils vont assumer. Le contenu devra être le même pour tous, que l'on s'adresse à des enfants de régions plus privilégiées ou plus populaires. Il est fondamental qu'il n'y ait aucune différence.
Pour la plupart des enfants et des adolescents, c'est leur premier concert avec des musiciens vivants. C'est une expérience très forte. Le lien qui va se créer entre ces artistes et ce jeune public est primordial. Certains artistes sont programmés dans les plus belles salles du pays et à l'étranger mais, dans une école, leur projet suscitera chez l'enfant ou l'adolescent quelque chose qui va lui ouvrir l'imagination vers de nouvelles perspectives. L'objectif n'est pas uniquement que l'enfant devienne musicien ou se lance dans la pratique musicale, mais de provoquer chez lui un déclic. Qu'il puisse se dire "ma vie m'appartient et je peux décider de mes choix". Pour les artiste, cette première rencontre est aussi une expérience particulière, très forte, génératrice souvent d'inspiration pour un nouvel album. Ils arrivent avec leur sono, leurs micros etc. dans une école qui n'est absolument pas équipée. Ils vont faire un petit sound check. Ils ont une heure pour s'installer, quel que soit le style de musique pratiqué. Il s'agit d'une approche de terrain. Ce sont des salles de gymnastique, des préaux, des réfectoires, parfois des salles réservées aux spectacles mais qui ne sont pas nécessairement équipées. Les artistes sont un peu à nu... Ils sont aussi face à un public qui n'a pas choisi de venir les écouter. Les jeunes en venant à l'école ne savent parfois même pas qu'ils écouteront un concert. C'est un choc à plein de niveaux. Un choc des cultures. Chaque concert est une expérience inédite parce que l'artiste est face à un public qui est totalement vierge de toute expérience de concert live.
Souad Asla (au centre) et les femmes de Béchar du spectacle 'Lemma'.
Colophon - La programmation des JM a toujours été ouverte aux musiques du monde mais l'engouement général pour celles-ci étant retombé, seront-elles encore programmées ? En particulier les musiques dites « traditionnelles » ?
Emmanuelle Soupart - La notion de musique traditionnelle, musique du monde, world music.. est un débat sans fin. En Belgique tous les opérateurs en lien avec les musiques du monde ont ce même questionnement.
Ce qui m'importe dans la programmation des Jeunesses Musicales est de pouvoir présenter, pour chaque saison, toutes les musiques et, en regard des musiques «du monde», un projet par continent. L'un des grands volets de notre programmation musicale, outre la présentation d'artistes de Belgique, est de faire venir des artistes de l'étranger: des Aborigènes d'Australie, des Pygmées de la République du Congo, des Tziganes des Balkans, une fanfare d'Algérie ou du Congo, des polyphonies d'Afrique du Sud ou de Georgie, des artistes porteurs d'une tradition chamanique aux pratiques vocales spécifiques, comme le joik Sami, le chant diphonique ou de gorge des Inuits, de minorités de Mongolie ou de Touva en Sibérie... Ces artistes sont encore porteurs d'un patrimoine. Leurs musiques, non écrites, se transmettent de manière orale, de siècle en siècle. La transmission est souvent intra-familiale. Les enfants grandissent avec les traditions et se les approprient tout naturellement. Leurs musiques ont ainsi pu perdurer au cours des siècles. Mais, ces 20 dernières années, on assiste à un changement : les jeunes musiciens sont moins intéressés par cette appropriation du patrimoine. Ils veulent plutôt s'ouvrir à d'autres musiques, via les moyens technologiques auxquels ils ont accès aujourd'hui. Par ailleurs, beaucoup de musiciens de chez nous pratiquent et s'approprient également ces musiques du monde, mais ce n'est pas tout à fait pareil. Cela devient donc de plus en plus compliqué de trouver des artistes encore détenteurs d'une culture «traditionnelle». Les JM ont accueilli énormément d'artistes et de groupes emblématiques du monde entier mais ces personnes sont amenées à disparaître. Et avec elles, petit à petit, cet héritage culturel disparait aussi. Parfois la génération suivante se l'approprie. Bien souvent, elle y intègre d'autres musiques, électroniques, plus actuelles, et le dénature. Ces musiques ont certainement évolué au cours des siècles mais, aujourd'hui cette évolution s'accélère. Nous sommes dans un processus extrêmement rapide par rapport à l'identité même de ces traditions musicales, qui ont tendance à disparaître.
Parfois, les JM sont aussi rattrapées par l’actualité. Elles ont été notamment marquées à l’automne 2015 par un ensemble syrien en proie à de vives tensions internes. Une partie, recluse en Syrie, avait été remplacée en dernière minute par des musiciens éparpillés à travers toute l’Europe. Il a été rapidement constaté une divergence entre les membres, certains proches du pouvoir, d’autres de l’opposition. Des deux côtés des traumatismes, des larmes. Les enfants et les adolescents, sensibilisés par cette guerre sanglante et la question des réfugiés arrivés en masse dans nos pays les questionnaient avec ferveur, les collègues JM étaient également très retournés...
Colophon - Un projet éducatif comme celui des JM n'a-t-il pas également pour mission de promouvoir précisément ces traditions qui risquent de disparaître? Et de présenter aussi des musiques plus rares, peut-être plus difficiles, porteuses de résistances...
Emmanuelle Soupart - Bien-sûr! Ainsi un autre aspect très intéressant dans les musiques traditionnelles est la place qu'occupent les femmes. Souvent, ce qui va s'offrir à nous ce sont des ensembles généralement composés d'hommes ou à majorité masculine. Il y a un an, nous avons programmé un ensemble de femmes algériennes qui venaient du désert aux confins du Maroc et de l'Algérie. Femmes qui sont donc détentrices de plusieurs cultures, notamment celle des gnawa. Depuis des générations, tous les vendredis après-midi, ces femmes se retrouvent entre elles dans leur village avec leurs jeunes enfants dans un espace clos pour chanter les mêmes chansons! - également pour manger des gâteaux -. C'est à l'initiative d'une Algérienne issue de cette communauté et vivant à Paris, Souad Asla, que ce groupe s'est constitué... par nostalgie de ces rencontres du vendredi et par un sentiment d'urgence face à la disparition, petit à petit, de ces femmes détentrices de ces traditions ancestrales. Les hommes au départ ne voulaient pas qu'elles quittent le village, qu'elles voyagent... Ce fut très compliqué à mettre en place, mais quelle tournée! Par bonheur, il existe encore, au sein de cellules intra-familiales ou intra-communautaires, un énorme patrimoine à découvrir.
Colophon - Ces patrimoines bien vivants sont également des rencontres...
Emmanuelle Soupart - Des citadines de Marrakkech, le groupe Bnet Marrakkech, il y a quelques années, étaient en tournée en Belgique. Elles ont notamment donné un concert dans une IPPJ (ndlr. Institution publique de Protection de la Jeunesse qui recueille des jeunes qui ont commis des délits). Après le concert, ces femmes, au tempérament très fort, ont posé des questions, sur cette institution, sur les raisons pour lesquelles ces jeunes étaient là, etc. Elles se sont alors fâchées sur ces jeunes, comme des mamas ou des grands-mères l'auraient fait avec leurs petits-enfants. Elles étaient furieuses et les jeunes ont commencé à se faire tout petits ! Certains pleuraient même. D'autres ne voulaient plus les laisser partir. C'est une histoire parmi d'autres. Le projet des JM, c'est cela aussi ! Il va également à la rencontre de jeunes complètement déracinés de leur patrimoine, de leur culture. En Belgique, on dénombre près de 150 nationalités différentes! Il y a donc presque toujours dans une classe un élève qui parle la langue des musiciens. Pour ce jeune, qui est souvent stigmatisé parce que différent, c'est une manière d'être valorisé, d'être reconnu pour sa spécificité...
Il y a des musiques plus complexes à l'audition, la musique classique, certains jazz, par exemple. Un jeune peut être réceptif à toutes les musiques, absolument toutes. La manière dont on va accompagner la transmission de ces musiques, c'est-à-dire comment les artistes surtout vont transmettre et communiquer est tout aussi importante que le concert lui-même. Il y a des musiciens qui sont investis d'un charisme extraordinaire et qui vont avoir cette capacité de communiquer sur la musique qu'ils pratiquent. D'autres devront travailler cette approche...
Colophon - Les JM, bien avant que n'apparaisse la mode de la World music programmaient déjà des musiques traditionnelles ?
Emmanuelle Soupart - Dans l'histoire des JM, dès les années 50, il y a eu beaucoup de «comités»: comité de spectacles, comité de diffusion, comité radio, comité de publication, comité de la discothèque... Ce dernier assurait une fois par semaine des concerts de musiques enregistrées à l'époque où les disques n'étaient pas encore très présents sur le marché. C'est ce comité qui a été l'élément fondateur de la Médiathèque de Belgique - l'actuel Point Culture - sous l'impulsion de Jean Salkin5. La Médiathèque de Belgique qui, on le sait, s'était constitué une des plus grandes collections au monde de musiques et, notamment, une collection de musiques traditionnelles absolument remarquable.
Le développement de cette culture des musiques du monde explique peut-être pourquoi ces musiques ont commencé à apparaître dans la programmation des JM dès les années 70.
Colophon - ...Une Médiathèque bien mise à mal! Que reste-t-il aujourd'hui de cet outil remarquable? Que sont devenues ses collections exceptionnelles dont sa collection de disques de musiques traditionnelles, unique dans le monde francophone ?
Emmanuelle Soupart - On ne sait pas réellement ce qui reste de ce patrimoine. Énormément de disques ont été vendus au public. J'espère qu'il reste un fond quelque part qui a pu être sauvé.
Nous évoluons dans une énergie et une dynamique différentes en terme de curiosité qu'au commencement des JM.
Quand je suis arrivée aux JM, il y a 28 ans, nous organisions majoritairement nos concerts dans les écoles secondaires pour ne pas faire concurrence aux ateliers des écoles maternelles et primaires. Les directions d'écoles et les enseignants bénéficiaient alors encore d'un certain bagage culturel du fait de leur éducation et de leurs études. La musique classique leur était familière. Eux-mêmes avaient été membres des JM. On pouvait dès lors facilement organiser des concerts. Au gré des décades, j'ai pu observer que les enseignants et les directions, pour la plupart, ne sont plus en possession de ce bagage culturel. Notre travail est beaucoup plus complexe et nous organisons de moins en moins de concerts de musique classique. C'est regrettable parce que la musique classique fait partie de la grande Histoire, il y a tant de choses à raconter... Il y a là toute une réflexion à mener. Il y a bien cette prise de conscience au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles et une volonté de vouloir réintégrer l'art et la culture à l'école... mais il faudra les intégrer aussi dans les écoles normales! J'ai moi-même bénéficié durant toute ma scolarité de cours de musique de la première primaire à la fin du secondaire ce qui m'a motivée à suivre des cours de musique en académie et poursuivre des études de musicologie à l'université. Pouvoir bénéficier de cours de musique à l'école, et le souvenir de mes professeurs, a été pour moi fondateur.
Voilà pourquoi je suis probablement aussi sensible à la question de la transmission de la musique...
Propos recueillis par Eddy Pennewaert
Novembre 2020 © Colophon
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1. Marcel Cuvelier (1899-1959): docteur en droit, musicien et sportif de haut niveau (escrime). Directeur de la Société philharmonique de Bruxelles. Fondateur des Jeunesses Musicales (1940). Directeur de la Fédération internationale des Jeunesse Musicales (1945-1959). - Directeur du Concours international Reine Elisabeth à partir de 1951. Secrétaire général du Conseil international de la musique de l'Unesco à Paris. Son ambition était de faire du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles l’une des premières « Maison de la Culture » en Europe, dans le sens que lui donna plus tard André Malraux: un lieu où tous les arts cohabitent, la Musique, le Théâtre, les Arts Plastiques et le Cinéma.
2. Henry Le Bœuf (1874-1935) : docteur en droit, banquier, mécène, critique musical et mélomane belge. La grande salle du Palais de Beaux-Arts de Bruxelles qui accueille les finalistes du Concours international Reine Elisabeth porte son nom.
3. Robert Catteau (1880-1956) : homme politique belge francophone libéral, avocat et journaliste. Un célèbre établissement scolaire bruxellois porte son nom.
4. La Brabançonne est l'hymne national de Belgique. Pendant la révolution belge (1830) menée contre les Pays-Bas et la Maison d'Orange, qui aboutira à l'indépendance de la Belgique, trois versions de l'hymne, adaptées à l'évolution des événements, seront écrites successivement par l'acteur français Jenneval (Alexandre Dechet) et Constantin Rodenbach. François Van Campenhout composa la musique des deux dernières versions. La version actuelle de la Brabançonne, plus consensuelle vis-à-vis des Pays-Bas, date de 1860. Les paroles sont de Charles Rogier. La partition a été maintes fois arrangée mais c'est la version de 1873 de Valentin Bender, inspecteur des musiques de l'armée belge, qui fut retenue. Du texte de Charles Rogier, on ne conservera finalement, en 1921, que la 4e strophe, tant en français qu'en néerlandais et en allemand, les trois langues officielles du pays. Notons toutefois que les trois traductions ne sont pas concordantes et que la version autorisée en néerlandais date de 1938... (sources: Wikipédia). La Brabançonne n'est plus enseignée à l'école (ndlr).
5. Jean Salkin (1930 – 2000) : fondateur de la Discothèque Nationale de Belgique (1956), devenue par la suite "la Médiathèque de la Communauté Française" de Belgique, aujourd'hui "Point Culture".
Crédit photo & vidéo: © Jeunesses musicales 2020, Bastien Born, Loïs Greenfield, |
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Spectacle musical Little Louis (Armstrong) dans une école bruxelloise.
© JM- Bianca Riccardi
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